Dans Comment Vivaient nos Ancêtres ?, Jean-Louis Beaucarnot décrit les veillées dans les campagnes françaises (p. 265) :
« C’est une vieille coutume en ce pays et [je] croy partout ailleurs, de se retrouver amassés chés quelqu’un du village au soir, pour tromper les longueurs des nuits, et principalement l’hyver. »
[…]
À la nuit, tout le monde arrive, et aussitôt les doigts comme la langue vont bon train. Hommes, femmes, vieillards, enfants, chacun travaille à quelque ouvrage. […]
Tout en travaillant, on peut écouter une lecture, lorsque quelqu’un sait la faire. On lit de petits livres drôles comme L’Art de péter ou La Consolation des cocus, mais surtout l’almanach. Sinon on se raconte des histoires. […] On parle aussi des défunts et des légendes, dont les récits sont tour à tour merveilleux lorsqu’il s’agit de fées et autres dames blanches, ou terrifiants lorsqu’on évoque les bêtes pharamines[.] […] Les refrains des chansons sont repris en chœur. […]
Partie de colin-maillard et danses ne sont pas toujours dénuées d’innocence. Dans les veillées, les jeunes ne se privent souvent pas de « draguer », au vu et au su de tous. […] « Les filles, leurs quenouilles sur la hanche, filaient : les unes assises en lieu plus eslevé, sur une [huche] ou [un pétrin], à fin de faire plus [ostensiblement] pirouetter leurs fuseaux, non sans être espier s’ils tomberaient : car en ce cas y a confiscation rachetable d’un baiser. » Certaines se montrent ostensiblement maladroites et les gars de réclamer leur salaire pour les avoir ramassés.
Ce genre de scènes est évidemment inimaginable aujourd’hui. Pour qu’elles
adviennent de nouveau, il faudrait que tous les participants y consentent.
Changer la réalité sociale n’est jamais l’œuvre d’un individu (par définition)
mais est toujours le produit d’une immanence collective inconsciente.
Toute la volonté d’un homme ne pourrait s’y suffire. Chacun d’entre nous est à
la merci de la coutume sociale dominante, pris en tenaille entre la dépopulation
et le primat des réseaux sociaux virtuels. Seul un mouvement de ségragation des jeunes adultes du reste de la population pourrait amorcer un début de résolution du problème.
Et comme rien ne se construit sans communauté, je préfère vous prévenir : beaucoup de choses vont tomber.