Ars Cultura

Lettres (citations)

Quelques correspondances remarquables de Céline

  • Louis-Ferdinand Céline
  • Lettres. Gallimard, 2009.

J’ai repris la notation des éditions Gallimard. Chaque correspondance est précédée d’un repère comprenant l’année d’écriture et le numéro de la lettre ; p. ex. 35-44 repère la 44ème lettre de l’année 1935.

La correspondance que Céline entretient avec Élie Faure, illustre historien de l’art dont Céline a dévoré les ouvrages, est fascinante à plus d’un égard. Socialiste engagé issu d’une famille d’intellectuels, il n’aura de cesse d’exorter Céline à l’activisme, ce qui fera naître entre les deux hommes une fracture irréconciliable.

Céline évoque ici les journaux dans lesquels il publie des articles, et note une différence entre les journaux de gauche et de droite.

33-54. À ÉLIE FAURE

Très cher ami,

Je crois qu’en effet il ne vaut mieux plus insister auprès des journaux intellectuels. Votre nom semble leur faire peur. Réservons cet article pour Hippocrate et nous nous en trouverons mieux.

Le mien dans Candide m’a valu des menaces de mort précises ce qui ne me serait pas arrivé dans un journal de gauche. J’ai demandé quel était le quotidien le plus lu – C’est tout et mon seul souci, toucher le maximum de lecteurs et à tout prendre je préfère ceux de droite. Ceux de gauche sont si certains de leurs vérité marxiste qu’on ne peut rien leur apprendre. Ils sont bien plus fermés qu’à droite. Nul canard ne m’a plus abîmé que Le Populaire au nom de « la valeur et de la dignité humaine »1 !!!!

Daudet m’a fort bien compris.

Le Canard enchaîné ne peut résister à répandre auprès de tous un peu de terreur, en attendant d’avantage… « On ne contente personne. » Tous ces gens me dégoûtent, pêle-mêle, ils sont avides de pouvoir et non de vérité – Hypocritement ils déguisent l’un en l’autre. Abominable inversion !

La gauche qu’est-ce que ça veut dire par les temps qui courent ? Rien – moins que rien.2

Au fascisme nous allons, nous volons. Qui nous arrête ? Est-ce les quatre douzaines d’agents provocateurs répartis en cinq ou six cliques hurlantes et autophagiques ? Ça une conscience populaire ? Vous rigolez ami ! Je ne vois (et je les connais bien) dans cette sinistre mascarade que de ridicules ou sournois velléitaires dégénérés de tous les idéals, dont la trahison elle-même ne veut plus rien dire. Il ne faut plus commettre les fautes de 71.3 Crever pour le peuple oui – quand on voudra – où on voudra, mais pas pour cette tourbe haineuse, mesquine, pluridivisée, inconsciente, vaine, patriotarde alcoolique et fainéante mentalement jusqu’au délire. Le mur des fédérés doit être un exemple non de ce qu’il faut faire mais de ce qu’il ne faut plus faire. Assez de sacrifices vains, de siècles de prison, de martyrs gratuits. Ce n’est plus du sublime, c’est du masochisme.

Regardez ce qui se passe en Allemagne – Une déliquescence générale de la gauche. En France, Napoléon et 10 minutes…

Il n’y a personne à gauche voilà la vérité. La pensée socialiste, le plaisir socialiste n’est pas né. On parle de lui, c’est tout.

S’il y avait un plaisir de gauche il y aurait un corps. Si nous devenons fascistes, tant pis. Ce peuple l’aura voulu. Il le veut. Il aime la trique.

Je ne suis pas aigri. Je suis lucide. Tous ces agités socialisants se trémoussent dans le vide à moins que roublards (la majorité) ils ne cherchent en vous que de nouvelles idées pour repeindre leur devanture. Je les connais, ami, je les connais bien et je les méprise encore plus que je les connais. Ils pourvoiraient n’importe quelle tuerie pour obtenir 20 voix de plus. Ah ! les putrides histrions ! Il se peut qu’ils jouent un rôle mais ce doit être celui de l’asticot sur le cadavre du capital. Utile certes, indispensable, mais dans la partie la plus hideuse du cadavre.

Nous sommes tous en fait absolument dépendants de notre Société. C’est elle qui décide notre destin. Pourrie, agonisante est la nôtre. J’aime mieux ma pourriture à moi, mes ferments à moi que ceux de tel ou tel communiste. Je me trouve orgueilleusement plus subtil, plus corrodant. Hâter cette décomposition voici l’œuvre Et qu’on n’en parle plus ! Parade de morts. Qu’importe après tout la guitare ou le tympanon.

Les individus délabrés, sanieux qui prétendent rénover par leur philtre notre époque irrémédiablement close, me dégoûtent et me fatiguent. Le pus leur sort par tous les orifices et les voici qui ne parlent que du printemps prochain ! Nous ne sommes pas faits pour sentir ces choses-là ! À nous la mort camarade ! Individuelle !

Bien affectueusement

L F Destouches

34-8. À ÉLIE FAURE

Bien cher ami,

Vous savez combien j’admire, je m’enthousiasme, je vénère tout ce que vous avez donné, pensé, écrit. Je me suis servi énormément de votre œuvre J’ai pillé, appris, épelé dans votre texte. Je le fais encore, je le ferai toujours. Vous êtes un de mes rares maîtres – et sans doute le plus intime, le plus direct. Alors ? la question n’est pas là quand je m’insurge contre vos directives actuelles.4 Je me refuse absolument, tout à fait, à me ranger ici ou là. Je suis anarchiste, jusqu’aux poils. Je l’ai toujours été, je ne serai jamais rien d’autre. Tous m’ont vomi, depuis les Inveszias5 jusqu’aux nazis officiels6, Mr de Régnier7, Comœdia8, Stavinsky9, le président Dullin10, tous m’ont déclaré imbuvable, immonde et dans des termes à peu près très identiques. Je ne l’ai pas fait exprès mais c’est un fait. Je me trouve bien ainsi parce que j’ai raison. Tout système politique est une entreprise de narcissisme hypocrite qui consiste à rejeter l’ignominie personnelle de ses adhérents sur un système ou sur les « autres ». Je vis très bien, j’avoue, je proclame haut, émotivement et fort toute notre dégueulasserie commune, de droite ou de gauche d’Homme. Cela on ne me le pardonnera jamais. Depuis que les curés sont morts le monde n’est plus que démagogie, on flagorne la merde sans arrêt, on repousse la responsabilité par un artifice d’idéologie et de phrases.

Il n’y a plus de contrition, il n’y a plus que des chants de révolte et d’espérances. Espérer quoi ? Que la merde va se mettre à sentir bon ?

Mon bon ami, je ne trahis personne, je ne demande rien à Personne. On me fusillera peut-être (on prendra des numéros alors !)

Lénine aussi bien que Napoléon ont raté leur affaire. Ils ont fait des pointes de feu et hurlent à la guérison. Nenni. Tout ce cynisme révolutionnaire (pas le vôtre) n’est que vulgaire, éternel égoïsme, armé de nouveaux subterfuges. Qu’il s’organise dans le communisme vous en verrez de belles ! Plus sordide que l’ancien vous dis-je ! Je les connais bien les apôtres et les héros, de droite de gauche. Depuis 30 ans je vis jour et nuit avec eux. Révolution. Tout de suite. Mais d’eux-mêmes d’abord. Pas ces fainéants d’âmes et d’esprits, de coktail ou Picon ?11 Pourquoi choisir ?

Bien affectueusement

LFC

34-10. À ÉLIE FAURE

Cher Ami

Je suis anarchiste depuis toujours, je n’ai jamais voté, je ne voterai jamais pour rien ni pour personne. Je ne crois pas aux hommes. Pourquoi voulez-vous que je me mette à jouer du bigophone soudain parce que douze douzaines de ratés m’en jouent ? moi qui joue pas trop mal du grand piano ? Pourquoi ? Pour me mettre à leur toise de rétrécis, de constipés, d’envieux, de haineux, de bâtards ? C’est plaisanterie en vérité. Je n’ai rien de commun avec tous ces châtrés – qui vocifèrent leurs suppositions balourdes et ne comprennent rien. Vous voyez-vous penser et travailler sous la férule du supercon Aragon12 par exemple ? C’est ça l’avenir ? Celui qu’on me presse de chérir, c’est Aragon ! Pouah ! S’ils étaient moins fainéants tous, s’ils étaient si bons de volonté qu’ils disent, ils feraient ce que j’ai fait au lieu d’emmerder tout le monde avec leurs fausses notes. Ils la reculent leur révolution au lieu de la faciliter. Ils ressemblent à des mâles qui n’ont plus d’instincts, qui blessent les femelles et ne les font jamais jouir. Ne sentez-vous pas, ami, l’Hypocrisie, l’immonde tartuferie de tous ces mots d’ordre ventriloques ! Le complexe d’infériorité de tous ces meneurs est palpable. Leur haine de tout ce qui les dépasse, de tout ce qu’ils ne comprennent pas, visible. Ils sont aussi avides de rabaisser, de détruire, de salir, d’émonder le principe même de la vie que les plus bas curés du Moyen Âge. Ils me fusilleront peut-être les uns ou les autres. Les nazis m’excècrent [sic] autant que les socialistes et les communards itou, sans compter Henri de Régnier ou Comœdia ou Stawinsky. Ils s’entendent tous quand il s’agit de me vomir. Tout est permis sauf de douter de l’Homme. Alors c’est fini de rire. J’ai fait la preuve. Mais je les emmerde aussi tous –

Affectueusement à vous grand ami

L.-F. Céline

[En marge, sans point d’insertion :] Je ne demande rien à personne
Les jeunes sont inconscients, ils vont où leur lyrisme les mène, au hasard

Cette lettre et les deux qui la suivent écritent à Élie Faure marquent un tournant capital non seulement dans les relations de Céline avec lui, mais encore dans l’évolution de ses idées, en tout cas de la conscience qu’en prend Céline.
La solennité du ton, voire la rhétorique, et cette adresse répétée à son ami par son prénom à résonance prophétique, qui ne se retrouve dans aucune autre lettre, disent de leur côté l’importance qu’ont pour lui ces aveux.

35-20. À ÉLIE FAURE

Cher Élie Faure

Votre lettre est émouvante. Vous le dites, je vous aime beaucoup, mais je ne vous comprends pas toujours. Vous n’êtes pas du peuple, vous n’êtes pas vulgaire, vous êtes aristocrate, vous le dites. Vous ne savez pas ce que je sais. Vous avez été au lycée.13

Vous n’avez pas gagné votre pain avant d’aller à l’école.14 Vous n’avez pas le droit de me juger, vous ne savez pas. Vous ne savez pas tout ce que je sais. Vous ne savez pas ce que je veux, vous ne savez pas ce que je fais. Vous ne savez pas quel horrible effort je suis obligé de faire chaque jour chaque nuit, surtout, pour tenir seulement debout, pour tenir ma plume. Quand vous serez à l’agonie, vous me comprendrez entièrement et là seulement. Je parle le langage de l’intimité des choses. Il a fallu que je l’apprenne, que je l’épelle d’abord. J’ai tout jaugé. Rien de ce que je dis n’est gratuit. Je sais. Je ne suis, je demeure un imagier truculent, rien de plus. Je ne veux rien être de plus. Ce que je pense du peuple, j’aurai la pudeur de n’en jamais rien dire. Cela aussi fait partie de ma viande. Savoir me taire. Ne pas baver comme un juif, faire l’article, pour vendre, exposer ce qui doit rester secret, pour le vendre. Je vous parle brutalement Élie parce que vous êtes de l’autre bord, malgré vous. Vous ne parlez pas notre langue et vous aimez l’entendre.

On regrettera les guerres Élie… l’Homme est Maudit. Il inventera des supplices mille fois plus effarants encore pour les remplacer… Dès l’ovule il n’est que le jouet de la mort.

Bien affectueusement à vous

LF Destouches

35-21. À ÉLIE FAURE

Cher Élie,

Le malheur en tout ceci c’est qu’il n’y a pas de « peuple » au sens touchant où vous l’entendez, il n’y a que des exploiteurs et des exploités, et chaque exploité ne demande qu’à devenir exploiteur. Il ne comprend pas autre chose. Le prolétariat héroïque égalitaire n’existe pas. C’est un songe creux, une faribole, d’où l’inutilité la niaiserie absolue, écoeurante de toutes ces imageries imbéciles, le prolétariat en cotte bleue, le héros de demain, et le méchant capitaliste repu à chaîne d’or. Ils sont aussi fumiers l’un que l’autre. Le prolétaire est un bourgeois qui n’a pas réussi. Rien de plus. Rien de moins. Rien de touchant à cela, une larmoyerie gâteuse et fourbe. C’est tout. Un prétexte à congrès, à prébendes, à paranoïsmes… L’essence ne change pas. On ne s’en occupe jamais, on bave dans l’abstrait. L’abstrait c’est facile c’est le refuge de tous les fainéants. Qui ne travaille pas est pourri d’idées générales et généreuses. Ce qui est beaucoup plus difficile c’est de faire rentrer l’abstrait dans le concret.

Demandez vous à Brughel, à Villon s’ils avaient des opinions politiques ?

J’ai honte d’insister sur ces faits évidents… Je gagne ma croûte depuis l’âge de 12 ans (douze). Je n’ai pas vu les choses du dehors mais du dedans. On voudrait me faire oublier ce que j’ai vu, ce que je sais, me faire dire ce que je ne dis pas, penser à ma place. Je serais fort riche à présent si j’avais bien voulu renier un peu mes origines. Au lieu de me juger on devrait mieux me copier au lieu de baver ces platitudes – tant d’écrivains écriraient des choses enfin lisibles…

La fuite vers l’abstrait est la lâcheté même de l’artiste. Sa désertion. Le congrès est sa mort. La louange son collier, d’où qu’elle vienne. Je ne veux pas être le premier parmi les hommes. Je veux être le premier au boulot. Les hommes je les emmerde tous, ce qu’ils disent n’a aucun sens. Il faut se donner entièrement à la chose en soi, ni au peuple, ni au Crédit Lyonnais, à personne.

Bien affectueusement

Louis F. Céline

35-23. À ÉLIE FAURE

Bien Cher Ami

Mais bien sûr que j’ai raison, dix mille fois raison ! « L’amour » n’est pas un propos d’homme, c’est une formule niaise pour gonzesse15 ! L’Homme va au fond des choses, y reste, s’installe, y crève. Vous n’avez pas un langage d’ouvrier, vous êtes emmené par les femmes, vous parlez femme et midi. En avant la barcarolle ! L’Homme intérieur n’a pas de langage, il est muet. Il faut promener l’Homme devant ce panorama muet. Il faut cesser de baver. On n’existe que dans l’intimité muette des hommes et des choses. On circonscrit, on ne définit pas. Sentir et se taire. Vous parlez tous beaucoup trop. Ce qu’on dit n’existe pas. Vous savez bien tout cela grand ami. Vous savez combien il faut peu, infiniment peu, d’impudeur pour que « l’endroit » où les choses chantent et se donnent se rétracte, se souille, s’empâte et meure sous le regard, sous le mot, sous le doigt.

Ce n’est pas la brutalité qui viole « ceci », c’est la prétention et la raison raisonnante. Qu’importe que vous, moi soyons mille fois plus méprisés, plus malheureux, plus grotesques. Si un jour les hommes ne nous retrouvent pas dans la chaîne des temps dans l’intimité du boulot, alors il n’y a pas eu d’Hommes, dans l’intimité des choses, rien que des lâches et des fuyards, des tambours de défaite. Ils ne me regardent pas, peuple ou pas.16

Affectueusement.

Louis D.

35-28. À EUGÈNE DABIT

Cher Vieux

Je rentre à Paris. Évidemment tout ceci est infâme17 ! Mais que peut-on pour les hommes ? Rien. Exactement Rien. Ce serait fait depuis longtemps s’ils avaient autre chose en eux que du meurtre. Au fond rien ne les a jamais empêchés de devenir meilleurs… Rien. Il n’y a que des alibis de mauvaise foi – des ergotages de gonzesses…

Pauvre Barbusse ! Un très grand écrivain un homme.18 Il a fini sa vie dans le cafouillage. Comme Malraux, comme Gide, comme tous les autres. La désertion pour l’artiste c’est de quitter le concret. Ils ont fini députés ! Fainéants ! On ne votait pas du temps de Cervantès, du temps – Breughel, du temps – Villon.19 C’est un bulletin qui coupe les couilles. Parler au lieu de faire. Cette dernière assemblée des baveux révolutionneux fut une orgie de conseils. Aucun d’entre eux n’est plus lisible. Il faut vivre à la Société des Nations quelques temps pour comprendre la pourriture des estrades et des « commissions », l’émasculation par discours20 – la fuite vers la théorie. Ô admirable Breughel ! Je crèverai déçu deux fois par les bourreaux, par les victimes. Quel troupeau infect !

J’attends bien fébrilement votre prochain.21

[…]

Je vous embrasse tous les deux

LF Céline


  1. « Il excelle à tout diminuer, on serait tenté de dire : à tout salir. Avouons qu’il y réussit. Avouons même qu’on démêle assez mal les raisons de ce succès et qu’on ne saurait en tout cas l’expliquer par la forme – laquelle est si constamment incorrecte et triviale qu’on ne peut écarter l’idée d’un parti pris de l’auteur. Mais ce livre amer, brutal, grossier, mal écrit – et même pas écrit du tout – est une vigoureuse satire de la société de ce temps », J.-B. Séverac, Le Populaire de Paris, 1932. ↩︎

  2. « Chacun se demande dans quel journal de gauche M. Louis-Ferdinand Céline, écrivain de gauche, volontiers anarchisant, ferait paraître son premier article. […] Il a paru dans un journal de droite » (Le Canard Enchaîné, 22 mars 1933, écho non signé dans la rubrique « Les six quatre deux »). ↩︎

  3. L’épisode de la fusillade par les troupes versaillaises des communards le 28 mai 1871 est commémoré au mur des Fédérés depuis 1880 : les organisations de gauche appellent à s’y rassembler la dernière semaine de mai. Le défilé du dimanche 28 mai, appel à la lutte contre le fascisme, eut une ampleur particulière compte tenu du contexte international. L’Humanité dénombrait 75 000 travailleurs. ↩︎

  4. Au lendemain des émeutes du 6 février 1934, Élie Faure signait L’Appel à la lutte lancé par les surréalistes. ↩︎

  5. « Inveszias » pour Izvestia, le journal officiel du gouvernement soviétique. On trouve une expression significative de ce jugement dans la préface du critique Anissimov à la traduction russe de Voyage au bout de la nuit (voir Herme, p. 425-456). ↩︎

  6. Le parti nazi en arrivant au pouvoir a interdit la traduction en allemand du roman et sa publication. ↩︎

  7. Henri de Régnier avait écrit dans Le Figaro : « J’ai éprouvé à le lire un lourd ennui, et j’ajoute que ce n’est pas seulement de l’ennui que j’en ai retiré. » ↩︎

  8. Le compte rendu de Comœdia avait pour titre : « Contre un roman de l’abjection. » La désignation est ensuite plusieurs fois reprise. ↩︎

  9. « Stavinsky » pour « Stavisky », l’escroc mêlé à la politique dont, suicide ou pas, la mort en janvier 1934 avait été un des déclencheurs des mouvements de février. Dans un entretien avec un journaliste américain, en juillet 1934, Céline prétendra que Stavisky avait été si choqué par Voyage au bout de la nuit qu’il avait dit son intention de créer un prix de littérature « propre » (Céline et l’Actualité littéraire 1932-1957, p. 105). ↩︎

  10. On ne sait à qui se réfère Céline, à moins que ce ne soit à un Albert Dullin, vice-président à l’époque du Tribunal de la Seine. ↩︎

  11. Célèbre marque d’apéritif, l’une des préférées des Français. ↩︎

  12. Aragon avait assez apprécié Voyage au bout de la nuit pour suivre le travail de traduction en russe de sa femme Elsa Triolet. Mais il avait, ensuite, d’abord fait à l’automne de 1933 un compte rendu défavorable de L’Église (et de sa publication originale dans une collection nommée « Loin des Foules »), puis avait, dans le numéro de janvier 1934 de Commune, encadré de commentaires acides la réponse de Céline à une enquête qu’il avait lancée en octobre dans la même revue en posant aux écrivains la question « Pour qui écrivez-vous ? ». Après avoir fait précéder cette réponse du chapeau : « L’auteur de Voyage au bout de la nuit, est-ce par hasard s’il évite notre question », il la faisait suivre de cette autre question, cette fois directement adressée à Céline : « Pourquoi donc tout cet embrouillamini ? » et avançait en réponse, dans un mouvement réthorique d’anaphore, cinq hypothèses (ou cinq fois la même hypothèse), dont la première était : « Parce que vous craignez de vous apercevoir de ce que vos lecteurs […] sont socialement des gens que vous faites profession de mépriser », et la dernière : « parce que vous ne vous décidez pas, au fond, à vous ranger du côté des exploiteurs contre les exploités, » puis détachait pour finir en alinéa la phrase : « Et qu’il est temps, Céline, que vous preniez parti » (Céline et l’Actualité littéraire 1932-1957, p. 101). ↩︎

  13. Ces lignes préfigurent les pages sarcastiques consacrées au lycée dans Bagatelles pour un massacre (p. 162-166). ↩︎

  14. Il faut comprendre : vous n’avez pas eu à gagner votre pain au lieu d’aller au lycée. ↩︎

  15. Ce mépris du discours amoureux sera lui aussi un thème de Bagatelles pour un massacre↩︎

  16. Les trois dernières phrases de ce paragraphe présentent plusieurs points qui ne se laissant pas entièrement éclaircir. ↩︎

  17. Probable allusion à la crise éthiopienne : après plusieurs échecs de négociations internationales, Mussolini lancera ses troupes sur l’Éthiopie le 3 octobre. De son côté, Dabit n’est en l’occurrence pas moins dégoûté que Céline. « On perd sa foi – en soi, dans les hommes » note-t-il dans son Journal le 3 septembre. ↩︎

  18. Barbusse est mort le 30 août à Moscou, où il était devenu un thuriféraire du régime stalinien, mais, comme le montre l’ajout marginal, Céline a conservé son admiration pour celui qui, en 1916, avait dénoncé la guerre dans son roman Le Feu (voir sur ce point l’admiration exprimée dans un entretien d’octobre 1933, Céline et l’Actualité littéraire 1932-1957, p. 88). ↩︎

  19. Dans son édition des Douze lettres, Jean-Paul Louis donne un fac-similé de ces trois lignes pour mettre en évidence la manière dont, dans la graphie de Céline, un mot outil comme la préposition de se trouve réduit à un trait puis à un point, avant de disparaître et de fournir la trouvaille syntaxique « d’un château l’autre ». ↩︎

  20. La pratique des commissions dans une institution parlementaire comme la S.D.N. fait l’objet d’une satire féroce dans Bagatelles pour un massacre, p. 98-109. ↩︎

  21. Le nouveau roman de Dabit, La Zone verte, paraîtra en septembre chez Gallimard. ↩︎