Comment Vivaient Nos Ancêtres ? (citations)
L’auteur décrit les conditions sanitaires du Paris du XVIème siècle puis dépeint le tableau de l’exode rural massif que l’attraction de la ville provoque partout en France les siècles suivants – à chaque région sa spécialité !
Paris est sale. Les Maîtres Fifi, ancêtres de nos vidangeurs et ainsi nommés par Henri IV, ont bien du mal à venir à bout de leur besogne. L’air est constamment vicié par les latrines, les cimetières et les immondices. Les rumeurs de la ville sont à tout moment secouées par les « cris de Paris », celui du porteur d’eau ou du fontainier, du marchand d’eau-de-vie – « La vie, la vie ! à un sol le petit verre » –, celui des marchands d’oublies – « La joie, la joie ! voilà les oublies » – qui sont des sortes de gaufres, celui du marchand de mort-aux-rats, de la vendeuse de marée, des ramoneurs, des marchands de ferraille ou de peaux de lapin, et de tous les gagne-deniers comme le marchand de joncs – « Battez vos femmes, rossez vos maris pour un sol ». À Paris, on est déjà stressé.
Et pourtant Paris attire. Au Moyen-Âge, son attraction se limite aux provinces environnantes et aux régions du Nord jusqu’aux Flandres. Puis viennent les Normands souvent paveurs ou tailleurs de pierre, les Champenois, les Lorrains, les Bourguignons. Au XVIIIème commencent les émigrations saisonnières avec l’arrivée des Auvergnats, frotteurs de parquet puis « charbougnats » en hiver, et paysans l’été dans leurs montagnes. Peu à peu ils font la conquête des bistrots tandis que les Savoyards se réservent le quasi-monopole du ramonage, comme les Creusois ont depuis longtemps celui de la maçonnerie. Viennent ensuite les célèbres nourrices morvandelles, comme on a plus tard les chauffeurs corréziens. Plus récemment, c’est au tour des Bretons, qui restent groupés autour de la gare Montparnasse, puis, avec le chemin de fer, des Méridionaux et des Corses. Le Parisien de Paris, fils, petit-fils et arrière-petit-fils d’ancêtres à 100% parisiens est aujourd’hui quasiment introuvable. La magie de Paris a fait son œuvre, et pourtant Paris n’a somme toute pas changé.
— p. 30-31