Ars Cultura

1177 Avant J.-C., Le Jour Où La Civilisation S’est Effondrée

Eric Cline sur l’Effondrement de l’Âge du Bronze

Et s’il y avait eu une mondialisation avant la nôtre ?

C’était à l’âge du bronze, il y a 3200 ans, que les hittites, les égyptiens, les minoens, les assyriens et les cananéens vivaient en parfaite harmonie. Au cœur d’un système international à l’est de la Méditerranée, ces peuples avaient développés des réseaux commerciaux efficients, des industries globales, des cultures florissantes et entretenaient entre eux des relations cordiales.
Comme l’anglais l’est aujourd’hui, l’akkadien était la lingua franca de l’époque. Tous les peuples le pratiquaient. Le bronze, un alliage subtil de tin et de cuivre, était le moteur de l’industrie globalisée – pour ainsi dire l’équivalent du pétrole de nos civilisations actuelles. Les gens allaient aux musées, partaient en voyage, contractaient des assurances, etc. Ils vivaient en réalité des vies très proches des nôtres, dans un climat de paix. C’est en tout cas ce dont les nombreuses lettres retrouvés dans ces régions témoignent.
Pourtant, en très peu de temps, tout cet édifice civilisationnel s’est effondré. Bien qu’on ait tendance à penser que l’effondrement d’une civilisation s’inscrit dans la longue durée (comme celui de l’Empire Romain), ça n’a pas été le cas ici. Les institutions et les infrastructures de l’âge du bronze ont dysfonctionné très rapidement et c’est un fait inédit dans l’Histoire.

Qu’est-ce qui a donc pu provoquer un bouleversement si soudain ? Il n’y aucune certitude mais un faisceau d’indices se dégage des nombreuses informations dont on dispose. Il semblerait qu’il y ait non pas une, mais plusieurs causes : des guerres, des famines, une grande période de sécheresse et des migrations massives et soudaines. Et ce n’est pas l’enchaînement de ces phénomènes mais bien leur simultanéité qui a, semblerait-il, paralysé le système tout entier. L’interdépendance de telles infrastructures, tissant des liens complexes et profonds, a en dernière instance causée leurs pertes. La mondialisation, en distribuant selon le marché des rôles territoriaux pour assouvir la production mondiale, crée un système dont les failles sont semblables. Les systèmes les plus complexes sont les plus fragiles comme l’a souligné Nassim Nicholas Taleb à de maintes reprises1.

Fait amusant : on note que les « peuples de la mer » qui venaient massivement par bateaux n’étaient probablement pas des envahisseurs, mais plutôt des réfugiés, puisqu’ils débarquaient avec leurs familles et leurs provisions. Néanmoins, selon de nombreuses correspondances retrouvées, ils avaient tendance à semer le chaos là où ils arrivaient. Toute ressemblance avec des évènements récents est purement fortuite, bien entendu.

Toute cette histoire et bien d’autres sont racontées par Eric Cline dans cette superbe conférence donnée pour la fondation Long Now :


  1. Skin in the Game est sans doute l’ouvrage de Taleb le plus abouti à ce sujet. ↩︎