Ars Cultura

La Monoculture Culturelle

Ou « l’oligopole des superstars »

Le bloggeur Agnostic a écrit une excellente série d’articles sur la mode et le reflet qu’à travers elle offre la production culturelle en général ; le dernier de cette série s’intitule Fashion died circa 2010, as a cultural production1. Il s’inquiète du manque de vision esthétique de l’industrie.

It’s not for want of funding, nor tapped-out consumers, that the would-be culture creators have stagnated. It’s something larger, like the disappearance of institutional trust and cohesion, as the 2008 crisis was not just any old recession, but left the elites with the sense that the whole societal project was over, and now it’s only a matter of sucking dry whatever is left rather than creating entirely new things.

Il semble que la nouveauté soit, pour ainsi dire, passée de mode. C’est comme si l’esthétique formelle de l’époque s’était figée il y a quelques années. Tout participe d’un éternel retour, d’une éternelle nostalgie pour un temps pas si lointain, comme si le futur nous échappait inlassablement.

Agnostic traite ici de la mode vestimentaire mais on le constate facilement dans les autres domaines. Dans les productions cinématographiques, la part des préquelles, des suites, des “reboots” et des spin-offs a explosé depuis les années 2000. Mais le phénomène ne s’arrête pas là : de la même manière, les productions musicales, littéraires et même celle des jeux vidéo s’homogénisent. C’est, comme l’appelle Adam Mastroianni, l’oligopole des superstars2.

What used to be winners-take-some has grown into winners-take-most and is now verging on winners-take-all. The (very silly) word for this oligopoly, like a monopoly but with a few players instead of just one.
I’m inherently skeptical of big claims about historical shifts. […] But this shift is not an illusion. It’s big, it’s been going on for decades, and it’s happening everywhere you look.

Car c’est Internet et “l’effet de réseau” des réseaux sociaux qui donnent un poids immense à un petit nombre de tendances et de “superstars”. L’interconnexion de tout l’univers social virtuel concentre et uniformise les goûts. Ce déséquilibre oriente toute la production industrielle de la “culture”. Je me répète, mais c’est important de comprendre que c’est visible partout.

C’est ce dont Nassim Taleb parle lorsqu’il évoque la monoculture. Inévitablement, la centralisation des canaux d’information crée l’uniformité des opinions. Elle n’est jamais qu’un produit de la mondialisation et de la technologie moderne… et peut-être aussi celui d’un manque cruel d’inspiration, mais c’est un autre sujet.

Pour en revenir au cinéma, ce mois-ci sort Pinocchio sur Netflix3, seulement 3 mois après un autre film Pinocchio, par Disney… et plus de 80 ans après la première adaptation du conte et 140 ans après le roman original.

Mais la monoculture a peut-être un aspect rédempteur.
La culture s’est arrêtée de produire parce qu’elle n’a plus rien à ajouter à l’expérience humaine. Son rythme de production marchand a dépassé son utilité. Mais dans le même temps, elle s’auto-purge du superflu et ramène les récits les plus pertinents sur le devant de la scène.
Pinocchio ressort tous les ans parce que Pinocchio est essentiel et cristallise en sa sémantique bien plus que l’intégral de tous les épisodes de la dernière série Netflix en vogue. Peut-être verrons-nous donc revenir sur les récits qui comptent vraiment.